Mil et une la suite – 162- Alicia

Miletune

Alicia était là, comme chaque jour depuis une semaine, après l’école. Il avait plu, une pluie orageuse qui avait laissé quelques flaques amusant les enfants, surtout les plus petits. Autour de lui, les passants vaquaient à leurs occupations : certains, pressés, faisaient fi des trottoirs glissants ; d’autres prenaient leur temps et musardaient, leur cabas à la main, contemplant les vitrines qui, à cette heure du jour, commençaient à s’allumer.

Lui ne voyait rien. Il était pris par la musique ; il la vivait au point d’oublier qu’il était installé devant un bistrot, qu’il faisait la manche pour gagner trois sous. Il jouait, jouait, jouait, malgré l’humidité qui avait imbibé son blouson, malgré ce piano droit qui n’avait rien à voir avec son piano de concert.

Ah ! les concerts… Il se souvenait de son rêve. Il s’était vu à Pleyel, à Berlin ou au Carnegie Hall. Il se souvenait de Diane, violoniste avec qui il voulait monter un duo. En attendant, ils s’étaient mariés, et très vite Alicia était venue au monde, un bébé qu’il adorait. Il se promettait un avenir de concertiste brillant. Mais un stupide accident, un bras brisé et le pouce broyé avaient mis fin à sa carrière.

Il s’imposa une rééducation longue et difficile pour récupérer de la dextérité, rééducation durant laquelle Diane, lasse d’attendre, le quitta, emmenant Alicia avec elle. Elle s’installa en Suisse, auprès de ses parents, pendant qu’elle parcourait le monde avec les plus prestigieux orchestres.Malgré son courage, jamais il ne put revenir à un niveau international.Maintenant, il vivotait de quelques cours de musique et, pour assurer un petit complément, il était là le soir, essayant de faire connaître la musique — la grande musique.

Et puis un jour, Diane, revenue s’installer dans cette grande ville, l’avait aperçu. Elle en avait été bouleversée, et les remords s’étaient réveillés. Elle avait alors confié à Alicia que cet homme était son père. Bien sûr, elle lui avait raconté quelques histoires à son propos, mais les mots étaient un peu évasifs. Diane ne put empêcher sa fille de se rendre chaque jour rencontrer ce père qu’elle ne connaissait pas encore. Voilà pourquoi Alicia, calée contre le tronc d’un arbre, venait l’écouter, l’entendre, subjuguée par ses mains qui couraient, qui caressaient les touches comme un souffle de brise. Elle sait qu’il la voit. Sait-il qui elle est ? Osera-t-elle lui parler ? Moi, je crois que oui.

Mil et une la suite – 161- Hilda et la fourmi

Miletune

Hilda et la fourmi

Encore une fois la belle cigale Hilda se présente devant la boutique de la fourmi. Celle-ci est tranquille devant sa casbah où elle vient de ranger les derniers pots de grains de millet qu’elle a préparés pour subsister tout l’hiver.
Et voilà toujours la même histoire, la belle cigale arrive l’air fatigué, épuisé, rincé, délabré enfin affamé ; vous connaissez l’histoire !
Mais cette année, Hilda a une arme secrète, une botte, un atout auxquels aucune fourmi aussi marâtre, acariâtre soit-elle ne peut résister.
Cette année, elle traine derrière elle sa guitare, un ampli ; imaginez le boulot pour charrier tout ce matosse lourd comme un cheval mort.
Ah te voilà Hilda, j’étais étonnée de ne pas te voir encore cette année râle la fourmi de ce ton revêche que l’on connait si bien. Il faut dire qu’il fait si beau ! Bon qu’est-ce que tu veux ? Toujours à manger mais ma parole tu n’as vraiment rien compris ; tu ne penses qu’à ta panse. J’ai non et c’est non.
Oh non belle fourmi, je viens t’apporter la sérénade ? J’ai tellement chanté cet été, je peux bien te faire un petit concert. Après je passerai mon chapeau réplique Hilda avec un sourire béat.
M’en fiche de ton concert, je n’aime pas la musique. Mozart, Brahms et compagnie, je m’en bat l’œil !
Mais c’est du métal ! Ecoute écoute, c’est méga archi lourd, c’est master class tu vas avoir les tympans enchantés, c’est mon meilleur kiff, je growle et slam comme jamais !
Les tympans enchantés, percés oui, hurle fourmi. Allez va danser ailleurs…

Mil et une la suite – 160- Imprévu

Miletune

Un matin, paf !
Un miroir sur la plage.
Planté là, fier comme un phare qui aurait raté son concours.

La mer le regarde de travers :
— T’es qui, toi ? Un glaçon géant ? Un selfie raté ?
Mais le miroir, imperturbable,
renvoie l’horizon en pleine figure,
comme pour dire : « Je brille, donc je suis. »

Le sable, lui, se marre :
« Hé les vagues, venez voir ! Un meuble fait bronzette ! »
Les coquillages applaudissent, les crabes font des stories,
et le vent improvise un slam marin :

« L’imprévu, mes amis,
c’est l’art d’être ailleurs,
au moment exact
où personne ne vous attend. »

Et pendant que tout ce petit monde rigole,
le miroir se prend pour un poète contemporain,
réfléchissant à tout — sauf à ce qu’il fait là.

Moralité ?
Quand la mer t’invite à danser,
ne demande pas le programme.
L’imprévu adore les improvisations.

Mil et une la suite – 159- logorallye

Miletune

Dans le passé,

j’croyais que le plaisir c’était solo,
genre Netflix, plaid, et pot de choco.
Mais j’ai appris que le vrai mojo,
il vient du partage,
du morceau de pizza qu’on laisse à son pote
(même si c’était le dernier, ouais… ça, c’est du courage).

Aujourd’hui on nous dit : crois en l’avenir,
mais la vie c’est un jeu de ninja,
tu dois traverser des niveaux bizarres
où même le mode facile te regarde de travers.
Alors faut oser,
oser rater, oser tenter,
oser tomber… et surtout oser… recommencer.

Chaque sourire, c’est un super-pouvoir,
même quand t’as pas dormi depuis deux soirs.
Ton devoir ?
Pas juste flotter en attendant l’orage,
mais danser sous la pluie,
et transformer chaque galère en punchline.

Parce que le passé, c’est le wifi d’hier,
l’avenir… c’est la mise à jour de demain.
Et nous, là, maintenant, on a qu’une mission :
avancer, vibrer, respirer,
vivre… et recommencer.

Mil et une la suite – 158- l’œil des dieux

Miletune

l’œil des dieux

Sous le soleil impassible d’Égypte, Pharaon, l’air distingué, ajustait son monocle avant d’inspecter la construction de sa pyramide.

« Un peu plus à gauche, messieurs les esclaves ! » lançait-il, persuadé que la perfection dépendait d’un bon angle de vue.
Autour de lui, le désert s’étirait, doré et silencieux, tandis que le Nil chuchotait au loin des secrets d’éternité. Les palmiers frémissaient, comme s’ils retenaient un rire discret devant tant de majesté concentrée dans un simple monocle.
Un coup de vent soudain fit briller le verre d’un éclat divin. Pharaon cligna de l’œil, ébloui par sa propre clairvoyance. Mais la poussière, moqueuse, se leva à son tour et le fit éternuer. Le monocle tomba, rebondit sur une pierre, et disparut dans le sable.
Un silence sacré suivit. Les ouvriers se figèrent, craignant une malédiction optique.
Puis, d’un geste digne, Pharaon sourit :
« Qu’importe ! Sans monocle, je vois désormais avec l’œil des dieux. »
En contrebas, le Nil reprit son murmure tranquille comme s’il savait, lui, que le vrai secret des pyramides tenait moins à la géométrie qu’à un peu de panache.

Mil et une la suite – 157- Coeur cramponné

Miletune

Le cœur cramponné

Ce cœur-là, peint à la va-vite sur un vieux mur de pierre, a tout d’un amoureux désespéré. Il s’accroche, malgré les fissures, malgré le temps qui l’effrite. On dirait qu’il s’est planté là comme un crampon obstiné, refusant de glisser dans l’oubli. Peut-être voulait-il marquer son territoire, prouver que l’amour peut survivre même sur la pierre la plus dure.

Mais à force de s’accrocher, il finit par ressembler à ce qu’il redoutait : un cœur fissuré, un peu ridicule, qui confond passion et persévérance. Pourtant, au détour d’un rayon de soleil, son rouge écaillé rappelle celui d’un coquelicot battu par le vent — fragile, éphémère, mais vibrant encore d’un éclat de vie.

Peut-être que ce cœur, malgré tout, n’a pas totalement perdu. Car comme les coquelicots qui s’invitent dans les failles des chemins, il prouve qu’un peu de beauté peut pousser même dans les blessures du monde. En somme, un crampon sentimental, oui — mais un crampon fleuri, qui refuse de faner.

Mil et une la suite – 150 – la cigale et la fourmi

Miletune

Une fourmi fifalin, race particulière spécialement formée pour résister à la barnouille, la fameuse cigale chanteuse, vit arriver cette emprunteuse patentée, les ailes en codron, les antennes grinfalantes, l’air épuisé.

Ah te voilà barnouille, ta jerse est de travers, tu as encore trop stricader avec tes congénères.

Oui ma chère et je viens chercher quelques grains de lerte, ton ancêtre n’avait pas été généreuse avec ma grandmère, mais moi toi je te connais, tu ne me laisseras pas dans la mouise, mourir de faim, de froid.

Et dis donc, je vais me gêner tiens. Non, non tu ne me barnouilleras pas avec des didettes à dormir debout. Tu as chanté à tout venant, tu as quitté tes calortes pour être plus à l’aise derrière les gruniers et tu n’en as pas honte.

Oh non, pas honte mais faim et froid. Je te promets je ne ferai pas de collouste.

Eh qué collouste, colouste toi-même et ouste dehors !

Mil et une la suite – 149 – Séléné

Miletune

En ce soir de fin août, la plage était déserte. Tous les estivants avaient remballé serviettes, parasols et glacières. Enfin tout redevenait calme jusqu’au prochaines vacances. J’en profitais pour faire une grande promenade avec Séléné, une superbe chienne que j’avais recueillie après la disparition de son maître. E jeune homme avait déserté la superbe maison qu’il avait fait restaurée à l’orée du village. Puis un jour, il avait disparu, laissant sa chienne, les portes grandes ouvertes !. L’enquête de police n’avait rien donné et puis un adulte a le droit de disparaître sans laisser d’adresse. Séléné pleurait et je l’avais prise avec moi.

Sous le ciel pâle, elle se mit à courir à fond de train sur le sable mouillé telle une flèche noire et blanche à peine freinée par l’écume des vagues, le museau ouvert comme si elle avait besoin de happer plus d’air. J’eus beau appelé, sifflé, Séléné ne revient pas. Mais où courait cette brave bête. Jamais elle n’avait fugué. Jamais elle n’avait désobéi.  Les éclaboussures d’eau et de sable qui jaillissaient sous ses pattes étaient les signes d’une énergie exceptionnelle.

La laisse à la main, je rentrais à la maison piteusement, angoissée et en colère ; J’avais trahi mon serment : m’occuper de cette chienne en attendant le retour de son maître ; J’étais persuadée qu’il allait revenir.

Ce fût le lendemain alors que je m’étais assoupie dans mon fauteuil, qu’un aboiement joyeux me réveilla. Séléné, assise sur le pas de ma porte, derrière elle, un homme que je ne reconnus pas de suite. …

Mil et une la suite – 144 – L’art de faire sa valise

Miletune

Vous partez en vacances pour Belize ?

Il vous faut une bonne valise rose bien flaschie fluo que l’on voit bien sur les tapis.

Elle doit être grande ; oui mais pas trop non plus. Ni trop grande ni trop petite !
Mettez-y des pantalons en lin froissés, des shorts et des bermudas étriqués.
Des jupes en jean délavé et des tee-shirts fraîchement repassés, bien pliés
Des chemisiers de toile plissée.
Choisissez avec soin votre lingerie ; sachez que vos bonnes vieilles culottes en coton sont, certes plus confortables que les strings en soie et dentelle, mais beaucoup moins affriolantes si vous étendez la lessive !
N’oubliez pas les chaussettes épaisses ; en rando ou en trek, les pieds nus dans les nus pieds, n’est pas conseillé.
Attention les vieilles paires déchirées durant votre dernier jogging, c’est pas top pour draguer.
Faites le tour des placards et dégotez quelques nuisettes transparentes toujours plus classes que le pyjama en pilou molletonné de tante Berthe. On ne sait jamais qui on rencontre.
Voilà en un tour de main la valise est prête.
Vous n’avez plus qu’à fermer…
Le temps de vous apercevoir que le bagage est un tantinet trop lourd et la valise un tantinet trop petite.
Essayez alors de déplacer un objet, d’en enlever ou d’en remettre…
Vous voici ébouriffée avec la trousse de toilette, à la main sans savoir quoi en faire !

Ah que le choix est difficile !