Ohé Mâtelôts !!!

Quelle saleté de chienlit !
Depuis deux jours, je cours après mon colis. Et plus je cours, plus il me distance. Ce colis est immobile, mais il avance très bien sans moi. J’en ai le tournis : je tourne autour du problème, et le problème reste au centre… de nulle part.

Je me retrouve devant le casier codé 007. Un casier secret. Normal, c’est un colis discret. J’entre le code. Le casier s’ouvre. Il est vide.
Pas presque vide : vide intégral, abyssal. Un vide bien rangé. Un vide professionnel. Le vide tel qu’on le conçoit quand on sait faire disparaître quelque chose.

J’appelle le transporteur. Il me dit :
— Votre adresse n’était pas précisée.
Je lui réponds :
— Si, elle l’était. Elle était même très précise.
— Pas assez, me dit-il.
Alors je précise : je n’habite ni à Bali, ni au Chili, ni dans le désert de Gobi. J’habite ici. Enfin… d’habitude. À moins que mon immeuble ait déménagé sans me prévenir.
À ce moment-là, j’ai failli faire une embolie. Heureusement, elle aussi s’est perdue.

Quel monde de folie ! On ne livre plus des colis, on les égare avec méthode.

Au fait, sait-il lire, le livreur ? Je pose la question, pas pour accuser… mais pour comprendre. Car dans ce colis, il y avait des brocolis du jardin de ma mère. Des brocolis vivants. Enfin… vivants au départ. Et un coulis de tomate maison. Maison, oui, mais laquelle ? La mienne ? La leur ? Une maison témoin ?

Pendant que le colis voyage, le brocoli médite.
Le brocoli attend.
Le brocoli se demande s’il reverra la lumière.

Dis, quand reviendras-tu, livreur ?
Car le temps passe, et le temps passe mal.
Il passe sur mon brocoli.
Il passe dans mon coulis.
Il mélange tout.
Il invente une recette.
Une recette que personne n’a demandée.

Dis, quand re viendras-tu ? Ce sera mon embellie.
Re viendras-tu avec mon colis ?
Ou seulement avec l’idée que tu aurais pu le livrer ?
Et, tant qu’à faire,
avec quelques fleurs de pissenlit
pour fleurir la tombe du brocoli.